L'huile d'olive éclaire
la Tunisie depuis Carthage

Etudes

Tout sert, rien ne se perd

Tout sert, rien ne se perd

Bechir Ben Rouina
Mounir Abichou
Kamel Gargouri
Chercheurs, Institut de l’Olivier

1. Statistiques sur les sous-produits de l’olivier

Comme l’oliveraie assure des productions annuelles d’huile d’olives très fluctuantes qui passent souvent, en peu de temps, de l’abondance (315.000 tonnes en 1996/97) à l’insuffisance (32.000 tonnes en 2001/02), les productions des sous-produits sont à leurs tours très fluctuantes.

D’une manière générale, les ratios de production des margines et de grignon les plus utilisés sont les suivants :

* Avec le système à pression, la transformation d’une tonne d’olive génère en moyenne 450 litres de margine et 330 Kg de grignons dont l’humidité se situe entre 25 et 30 %.

* Avec la chaîne continue à trois phases, cette même quantité d’olives procure entre 650 et 1200 litres de margines, avec une moyenne de 870 litres / tonnes d’olives et 550 Kg de grignons avec une humidité variant entre 50 et 60 %.

* Quant à la chaîne continue à deux phases, dont l’introduction est récente, elle génère 650 à 700Kg de grignon pâteux, avec une humidité d’environ 68 %. Cependant, ce système ne cesse de poser de sérieux problèmes suite à l’excès d’humidité du grignon produit dont l’exploitation et le transport sont presque impossibles. 

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Outre les productions de margines dont les quantités approchent annuellement 740.000 tonnes (décennie 2001/2010), il en découle une production annuelle de grignon estimée à 490.500 tonnes de grignons pour une production de 850.000 tonnes d’olives (période 2001-2010), alors que les minimales et maximales ont été de 131.500 tonnes (en 2001/02 pour une production de 228490 tonnes d’olives et 30.000 tonnes d’huile) et de 848.000 tonnes (en 2003/04 pour une production de 1.472.000 tonnes d’olives et 280.000 tonnes d’huile).

En plus des productions de l’industrie de transformation des olives (huiles, margines et grignons), l’oliveraie tunisienne procure d’autres sous produits découlant de la taille et de l’arrachage des arbres en vue de leur renouvellement par replantation. Il s’agit des feuilles et des brindilles d’une part, et du gros bois, d’autre part. Comme pour les grignons et les margines, les quantités de rameaux procurés par la taille des arbres, effectuée après la récolte, sont très variables puisque tributaires à leur tour de la production d’olives. En effet, lors des années de fortes productions, les arbres sont bien taillés ;

alors que celles de faibles productions, la taille est souvent omise ou, dans les meilleurs des cas, très légère.

A cet effet, les quantités disponibles sont très variables selon les années et les valeurs données ne sont qu’approximatives. Annuellement, les valeurs les plus proches de la réalité sont estimées à 2.400.000 tonnes de biomasse dont 940.000 tonnes de feuilles et de brindilles ; le reste étant constitué de rameaux et de gros bois (1.460.000 tonnes).  

2. Utilisations potentielles des sous produits de l’olivier 

2.1. Les grignons d’olives

Les grignons bruts, obtenus dans les huileries sont dits « gras ». Ils contiennent des quantités appréciables d’huiles résiduelles (5 à 12 % de leur poids frais), selon le système d’extraction et la qualification du personnel conduisant l’opération de trituration des olives.

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Dans le Centre et le Sud du pays, où les parcours sont fortement dégradés et les fourrages amenés du Nord coûtent chers, une partie de ces grignons est vendue aux éleveurs surtout en périodes de disette pour servir comme aliment de lest des cheptels ovins et camélidés. Etant très faible, la valeur fourragère des grignons d’olives n’encourage aucune industrialisation potentielle de ce sous-produit. Ainsi, les quantités prélevées annuellement varient énormément et peuvent atteindre 30 % des disponibilités totales (environ 150.000 tonnes) qui sont souvent utilisées à l’état brut.

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Le reste des grignons gras sont acheminés dans les  usines d’extraction de l’huile de grignons ; et qui sont réparties sur tout le territoire national. Avec une capacité annuelle de près de 220.000 tonnes de grignons traités au solvant (hexane), ces usines fournissent en moyenne 18.000 tonnes d’huiles de grignon et 150.000 tonnes de grignons épuisés, avec une humidité résiduelle d’environ 12 %. La différence entre les productions totales de grignon brut et celles prélevées pour la nutrition animale et celles épuisées, est constituée par le grignon boueux découlant du système continu à deux phase et qui est le plus souvent abandonné sans traitement.

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L’importance quantitative des huiles obtenues lors de l’épuisement des grignons varie avec le système de trituration et la gestion technique du matériel d’extraction et la qualité des olives triturées. Les huiles produites subissent le raffinage dans ces mêmes usines. Une partie d’entre elles est injectée dans le circuit alimentaire (huile de grignon, souvent mélangée avec l’huile de fond de piles et l’huile d’olive vierge), l’autre partie très acide, est utilisée dans l’industrie pour la production du savon et d’autres produits cosmétiques. 

Etant composés essentiellement de cellulose et de lignine (restes de la pulpe et de la coque des noyaux), les grignons ont un pouvoir calorifique important lors de la combustion. Après l’extraction de leurs huiles résiduelles, les grignons dits épuisés servent le plus souvent comme combustible et énergie verte.

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Durant la dernière décennie, avec l’extension des superficies classées dans le domaine de l’agriculture biologique, grandes consommatrices de fumures organiques peu disponibles au Centre et au Sud du pays, une utilisation potentielle des grignons épuisés a vu le jour. Il s’agit de son incorporation avec d’autres sous-produits de la ferme (fumiers d’ovins et de bovins, fientes de volailles, pailles et déchets agricoles) pour la fabrication de composts agricoles, dont la valeur fertilisante est satisfaisante.

  

2.2. Les déchets de la taille de l’olivier  

 

En Tunisie, les déchets verts procurés par la taille annuelle ou bis-annuelle de l’olivier sont d’une grande importance. Utilisés à bon escient, ces résidus verts, peuvent constituer une source fourragère et / ou énergétique très importante dans les régions semi arides (Centre) et arides (Sud) où les ressources fourragères se font rares et où les carburants et combustibles sont chers. Ainsi, l’utilisation combinée de ces produits de la taille des oliviers doit être gérée selon leurs disponibilités quantitatives et qualitatives, les coûts de l’énergie fossile sur les marchés national et international, et aussi des coûts et de la faisabilité technique des opérations de ramassage et de transport de cette biomasse, compte tenu de la proximité des lieux d’utilisation et du savoir-faire en matière de gestion et d’utilisation traditionnelle des sous produits.

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La valorisation de la biomasse verte constituée par les feuilles et les fragments tendres des tiges permet de fournir une valeur alimentaire non négligeable pour le cheptel. Cette valorisation est tributaire de la composition chimique des feuilles et des rameaux qui dépend de nombreux facteurs dont particulièrement la variété d’olivier, le mode de conduite du verger et surtout des conditions de présentation de ces sous-produits aux animaux.

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L’autre sous-produit de la taille et de l’arrachage des vieilles plantations est le bois dont les quantités dépassent annuellement 1.460.000 tonnes (Trigui, 2008). Ce produit est reparti en deux catégories selon le diamètre des constituants : le bois courant dont le diamètre est inférieur à 5 cm, utilisé artisanalement pour la confection des outils agricoles et le gros bois pouvant servir comme bois noble artistiquement valorisable (mobilier ou objets d’art) mais aussi et surtout pour la carbonisation. Cette opération de charbonnage permet la production d’un charbon de bois prise pour sa grande qualité.

 

Trigui (2008) estime qu’a l’échelle nationale, la consommation domestique du charbon du bois a atteint 138.000 tonnes en 1997 soit 94 % de la consommation nationale en charbon. La majorité des tunisiens utilise quotidiennement du charbon de bois pour la cuisson et le chauffage.

 

Plus des deux tiers de la consommation (96.000 tonnes) sont consacrés à la préparation du thé et pour le tabac harguilé’, alors que les autres usages partagent ensemble le tiers restant. Les déchets de bois, les brindilles dont le diamètre est inférieur à 5 cm constituent toujours chez les populations rurales une source bioénergétique comblant en partie leurs besoins quotidiens.

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2.3.  La valorisation agronomique des margines

 

La forte charge des margines en matières organiques et minérales interdit leur traitement comme une eau usée domestique ou industrielle dans les stations d’assainissement urbain. De ce fait, cet effluent est acheminé vers des bassins de stockage et d’évaporation aménagés à cette fin, où il est séché par évaporation naturelle. Cette solution ne peut être que provisoire vu l’accroissement des quantités de margines produites, les risques d’infiltration et les coûts élevés engendrés. Dans ce contexte, l’épandage des margines sur les sols constitue une alternative intéressante pour l’évacuation contrôlée et rationnelle de cet effluent polluant. Les margines seront alors considérées comme étant un fertilisant organique, liquide et naturel.

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L’utilisation des margines comme fertilisant par épandage direct  a engendré :

1. Une nette amélioration de la fertilité du sol. Ses teneurs en matière organique, azote et potassium ont augmenté. Le contenu du sol en phosphate et le ph restent inchangés. L’accroissement de la teneur de la matière organique de 0,3 % à 1 % s’est accompagné d’une amélioration de la capacité de rétention en eau du sol sableux perméable. Grâce à ses effets à la fois liants et hydrophobes, la margine a rendu le sol pulvérulent plus stable et a favorisé la création d’un mulch empêchant l’évaporation de l’eau.

 

2. L’augmentation nette de la croissance et la fructification des arbres. Suite à l’épandage de 50 et 100 m3 par hectare dans les oliveraies pluviales une augmentation respective de la production en olive de 35 et 70% a été observée.

 

3. Aucun effet négatif sur l’environnement n’a été enregistré en utilisant des doses ne dépassant pas 100 m3 par hectare. Il en découle que dans les oliveraies où l’élevage a disparu, l’épandage de margine pourrait contribuer à restaurer le niveau de la matière organique des sols et donc de diminuer l’instabilité de la structure et améliorer d’une manière hautement significative l’intensité de l’activité biologique générée suite à l’apport organique. Ainsi, on peut conclure que l’épandage des margines, à dose modérées (inférieures à 200 m3/ha) sur les terrains limitrophes des huileries et exploités en oliviers, pourrait constituer une alternative intéressante pour se débarrasser de cet effluent avec le moindre coût et d’atténuer l’effet de l’érosion éolienne suite à l’amélioration de la structure du sol.

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